Les cryptomonnaies au service de l'économie locale ?

Les cryptomonnaies au service de l'économie locale ?

Une économie en difficulté

En cette période de crise économique, la consommation est inévitablement en baisse. Entre confinement, couvre-feu et commerces fermés, c’est un grand nombre d’entreprises et de citoyens qui se retrouvent en difficulté financière.

Les gouvernements tentent d’augmenter la consommation des ménages et de soutenir les entreprises grâce à des aides. Les États-Unis ont parié sur la monnaie hélicoptère, en distribuant un chèque à chaque ménage. La France, quant à elle, a mis en place des prêts garantis par l’État (PGE) pour les sociétés. Ces aides n’atteignent pas toujours la cible souhaitée ; les bénéficiaires ne sont pas toujours ceux qui en ont le plus besoin et les capitaux ne sont pas réinjectés en majorité dans les commerces en difficultés. En conséquence, ces mesures ne font que repousser le problème initial.

Les commerces de proximité, les artisans et les entreprises nationales sont essentiels au développement économique de nos villes, et donc de notre pays. Ce sont ces acteurs qui sont aujourd’hui en difficulté. Quelles mesures sont possibles pour favoriser cette économie locale ?

Les monnaies locales

La notion de monnaie locale, aussi appelée monnaie complémentaire, émerge à partir de la crise de 1929. Cela désigne une monnaie non soutenue par un gouvernement, destinée à être utilisée dans un espace restreint (géographique, sectoriel ou sous conditions) pour favoriser l’économie. De nombreuses monnaies locales se sont développées à partir des années 80, en réponse à un système monétaire jugé inefficace. Entre 2000 et 2002, le trueque argentin a compté plus de deux millions d’utilisateurs, en pleine crise nationale. Aujourd’hui en France, on compte un peu moins d’une centaine de projets de monnaies locales, comme l’Eusko au Pays basque, l’Heol en Bretagne et la Muse en Anjou.

Plusieurs cas concrets montrent qu’une monnaie complémentaire participe à l’économie locale. En étant restreinte à une certaine zone, elle favorise les échanges au sein de celles-ci. Pour les utilisateurs, cela garantit que la valeur reste dans la zone définie. Un gouvernement pourrait émettre des capitaux à travers des monnaies locales pour être sûr d’atteindre leur cible.

Ces monnaies n’ont pas pour objectif de remplacer les monnaies officielles, mais plutôt d’exister en parallèle. Elles sont généralement gérées par des associations, et représentées par des « bons » ou des billets papier, même si la forme numérique commence à se développer. Leur cours peut être indexé sur une monnaie officielle, ou être défini par différentes conditions.

Les principaux freins à l’adoption de ces monnaies locales, ce sont clairement les manques de moyens pour les promouvoir, organiser leur gestion et faciliter leur utilisation pour le plus grand nombre. Les associations indépendantes qui développent ces monnaies n’ont pas forcément de soutien financier pour leur développement. Les bons papiers et les moyens pour les obtenir sont obsolètes dans un monde toujours plus numérique, sans compter le manque de transparence sur les transactions qui peut apporter des craintes.

Des cryptomonnaies locales ?

Publiques, transparentes et fonctionnant sans tiers de confiance, les cryptomonnaies sont en plein essor depuis une dizaine d’années. Le Bitcoin est né à la suite de la crise des subrimes de 2008, en proposant une technologie de paiement en pair-à-pair universelle, permettant d’échanger de la valeur sur Internet. Depuis, de nombreux protocoles ont été développés, avec des propriétés et propositions de valeur différentes.

Une cryptomonnaie fonctionne sur un réseau construit avec un protocole Blockchain. Le réseau peut être ouvert à tous, ou bien restreint à un certain nombre d’acteurs. Il peut être protégé via un mécanisme de preuve de travail, de preuve d’enjeu ou autre en fonction des besoins. Le cours de la cryptomonnaie peut être libre (offre/demande) ou stable (indexé sur une valeur). Toutes les propriétés sont donc programmables, ce qui rend possible le développement d’une cryptomonnaie ou d’un token avec les propriétés d’une monnaie locale. Seuls les participants remplissant les conditions pourraient réaliser des transactions. De nombreux protocoles existent déjà, sont open-source et disposent d’une communeauté et d’équipes de développement.

Les avantages sont nombreux. Avec un registre de transactions public, cela permettrait aux utilisateurs d’exercer un contrôle sur le système. Les transactions seraient pseudonymes, pour protéger la confidentialité des utilisateurs. Le réseau pourrait être gérés par plusieurs acteurs comme des commerçants ou des institutions, avec un système de gouvernance participative. Un tel système apporterait plus de transparence, de sécurité et permettrait de favoriser l’utilisation d’une monnaie locale, en proposant des outils numériques modernes.

Une cryptomonnaie locale pourrait vivre en parallèle des monnaies officielles et des cryptomonnaies. Les monnaies numériques deviennent de plus en plus présentes et les villes de plus en plus connectées (Smart City), donc ce type d’initiatives seraient dans l’air du temps. Tout comme les monnaies locales, les cryptomonnaies (ou cryptoactifs), disposent aujourd’hui d’un cadre légal. Malgré certains aspects qui restent à éclaircir, un tel système parait réalisable en France.

Un exemple concret : l’Angecoin

Étant angevins, reprenons cette idée pour imaginer L’Angecoin, la cryptomonnaie locale angevine. L’Angecoin serait disponible à travers une application mobile, sur laquelle les Angevins pourraient obtenir quelques jetons numériques, indexés sur l’euro et distribués gratuitement par la ville ou l’État.

L’inscription serait donc régie par un système de vérification d’identité, pour s’assurer que seulement les habitants de la ville puissent s’inscrire. Cette vérification pourrait être réalisée avec une procédure KYC, en fournissant un justificatif de domicile. Un KYC serait également effectué afin de contrôler que le commerçant qui accepte les Angecoin, soit bien immatriculé dans le département grâce au registre du commerce et au répertoire des métiers. On peut imaginer un processus on-chain (smart contracts), au sein duquel des oracles fournissent les informations nécessaires à l’inscription. Les Angevins pourraient ainsi librement acheter des jetons, en envoyer à leurs amis et les dépenser chez les commerçants du secteur, toujours via l’application mobile.

Le réseau pourrait être déployé par plusieurs institutions et entreprises de la ville, notamment des commerçants. Dans les faits, ces acteurs pourraient faire tourner un noeud du réseau sur leur système informatique pour valider les transactions, et ainsi apporter plus de décentralisation. Le système pourrait inciter les commerçants à participer au réseau, en leur redistribuant automatiquement les frais de transactions. La commune ou la région seraient ainsi assurées que l’argent distribué revient bien dans les caisses des commerçants du coin.

Le commerçant, toujours via l’application, pourrait par la suite, soit payer son fournisseur avec ses jetons, soit les convertir en euro. Une fois convertis, les jetons seraient automatiquement détruits afin de garantir que chaque unité est adossée à un euro réel. Pour inciter les utilisateurs à choisir l’Angecoin comme moyen de paiement, un système de réductions ou de cashbacks pourrait être mis en place. On peut aussi imaginer des systèmes de fidelité gérés par les commerçants.

Nous avons proposé notre idée au budget participatif d’Angers, vous pouvez la soutenir en suivant ce lien.

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Marvin
Marvin Diplômé de Master CCA, Auditeur/Collaborateur Comptable, passionné d'économie et de Crypto-économie